Potentiels et Métastabilité : Gilbert Simondon (1998)

Jacques Jenny, Les Cahiers de l’Implication, n° 1 – Groupe de Sociologie Institutionnelle

Université de PARIS VIII, Département des Sciences de l’Education, Printemps 1998

Potentiels et Métastabilité

Un nouveau paradigme pour penser le changement ?

le processus d’ individuation transductive, selon Gilbert Simondon



Pourquoi cet article, ici et maintenant ?


Lorsque Danielle Guillier m’a demandé de contribuer au premier numéro de la présente revue par un témoignage personnel sur les apports de la pensée de Gilbert Simondon dans mes pratiques de recherche sociologique, je ne pouvais qu’accepter avec enthousiasme. En effet, cela me permet tout à la fois :

– de m’acquitter publiquement d’une dette immense envers cet auteur, que je n’ai hélas pas connu personnellement mais dont la lecture est venue à point nommé, en 1967, répondre à des interrogations diffuses concernant les présupposés les plus fondamentaux de la théorie et de l’empirie sociologiques, et dont la fécondité conceptuelle ne s’est pour moi jamais démentie – malgré le peu d’écho rencontré dans ma “communauté scientifique”;

– d’ébaucher un bilan personnel de ces apports dans l’itinéraire intellectuel qui fut le mien ces trente dernières années, après quinze années de pratiques professionnelles “tranquilles”, c’est-à-dire abusivement sûres d’elles dans un style de bonne conscience qu’on pourrait appeler “humanisme béat”, ou “technocratie de gauche”. Bilan plutôt négatif en apparence, mais dont il conviendra de dégager les potentiels positifs, ne serait-ce que comme contribution à l’histoire contemporaine des sciences sociales et à la sociologie de la sociologie ;

– et d’essayer encore une fois, après tant de tentatives infructueuses, de relayer son message – dans un nouvel environnement intellectuel apparemment plus disposé à l’entendre (contexte “métastable”, dirait-il). Je suis en effet persuadé que l’ensemble des sciences humaines et sociales, et par conséquent aussi la sociologie et la psychosociologie, aurait beaucoup à gagner si l’on parvenait à rompre l’incompréhensible ostracisme manifesté à son égard, fût-ce par simple ignorance : mais l’ignorance n’est-elle pas coupable dans notre exigeant métier de chercheur ?


L’objectif de cet article, et les difficultés spécifiques de la tâche


Je n’ai pas la prétention de pouvoir transmettre la pensée riche et complexe de G. Simondon, si profondément originale que certains de ses commentateurs n’hésitent pas à en parler en termes d’innovation philosophique majeure, et que les mots, les expressions, le style, manquent encore pour en rendre compte à des publics non-initiés. Mais je peux témoigner que ses textes sont suffisamment suggestifs pour que tout lecteur en état de “métastabilité” (par exemple en période de curiosité ou de doute autocritique, ou en “état de manque” intellectuel) – ce qui était et est encore mon cas, puisse au moins appréhender intuitivement (“transductivement”, dirait-il peut-être) toute leur fécondité potentielle.

Mon ambition, dans ce court article, est de susciter de l’appétence pour cette aventure intellectuelle passionnante, en me plaçant principalement du point de vue de la recherche sociologique, et plus largement des sciences humaines et sociales. Je serai nécessairement amené à évoquer certains éléments de cette nouvelle philosophie pour parler de leur impact sur mon itinéraire intellectuel, bien que mes compétences ne m’autorisent guère à en faire l’exégèse : je m’expose donc aux risques des traductions-trahisons ou des citations nécessairement tronquées, des contresens ou des à-peu-près, caricatures de la fluidité propre à toute notion “métastable”, en “phase d’individuation” [1].

Le contexte des premières rencontres


Lorsque je rédigeai, début 1967, une ébauche d’épistémologie pour les sciences sociales [2], sorte de plan de cours destiné d’abord à mes étudiants de l’EPRAS (Enseignement Préparatoire à la Recherche en Anthropologie et Sociologie) à la VIème section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (laquelle VIème section de l’EPHE allait très vite devenir l’E.H.E.S.S. = Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), je terminais par cette phrase :

“C’est donc par un appel au secours à l’adresse des logiciens contemporains et futurs que se termine cette interrogation désespérée d’un jeune chercheur en sciences sociales”.


Je me trouvais précisément à ce moment-là dans une phase critique (l'”exploitation des données”) d’un vaste projet de recherche longitudinale sur “le processus de maturation sociale de l’adolescence à l’âge adulte en milieu urbain français contemporain”. La première phase des enquêtes “sur le terrain”, en 1964, s’était déroulée sans problème majeur, malgré la complexité du dispositif au regard des moyens disponibles : entretiens directifs plurithématiques de 2 à 5 heures, dans 5 localités résidentielles choisies pour leurs structures urbaines et socio-démographiques contrastées (3 en Région Parisienne et 2 dans le Sud-Ouest), auprès d’un échantillon comparatif stratifié, à visée expérimentale, de 360 “jeunes”, garçons et filles célibataires de 13 à 24 ans, à leur domicile familial, de parents ouvriers, employés et “cadres”.

Ce dispositif d’enquête était un condensé d’application rigoureuse des principales règles méthodologiques dominantes de l’époque : “mixage savant” de la méthode expérimentale (Claude Bernard), des méthodologies du “Vocabulaire des Sciences sociales” (Boudon-Lazarsfeld) et de l’observation ethnographique (selon P.H. Chombart de Lauwe, le directeur de mon laboratoire), et de techniques originales d’analyse statistique multidimensionnelle que j’ai baptisées A.S.I. (Analyse Structurelle des Interférences, en apparence sophistiquée mais en fait inspirée de la classique Analyse de la Variance et de la “théorie mathématique de l’information”). Tout était méticuleusement prémédité, planifié, un peu comme si on voulait organiser un “crime parfait”….

… d’autant plus qu’il n’y manquait même pas une “grille d’analyse conceptuelle” ad hoc, très ambitieuse en ce qu’elle ne prétendait pas moins qu’à lire et interpréter ces processus de passage (du statut de “mineur social” à celui de “majeur social”) un peu à la manière d’une expérience cruciale pour illustrer une problématique psychosociologique générale des “rapports entre individus et société”, aux différents niveaux imbriqués des groupes restreints, des classes sociales et autres groupements plurifonctionnels et de la société globale;

… d’autant plus également que j’avais ébauché une distinction relativement originale entre deux niveaux d’analyse complémentaires, baptisés structurelle et structurale (sans a priori structuraliste) – avec des références éclectiques à des auteurs aussi variés et prestigieux que Bachelard, Lévi-Strauss et Piaget, ou encore Sartre, Morin et Foucault.

Le crime parfait, vous dis-je !


D’un projet perfectionniste quant à la méthode

à un doute fondamental quant aux présupposés


Alors, pourquoi donc avoir éprouvé un tel malaise après avoir énoncé ce que je croyais pouvoir identifier comme des “principes épistémologiques fondamentaux”, énoncé qui aurait pu satisfaire tout ego narcissiquement bien constitué ?

Avec le recul du temps, je crois pouvoir dire maintenant que, nourri des préceptes cartésiens de la décomposition analytique du tout en ses plus petites parties mais attiré par les promesses entrevues d’une pensée complexe, multidimensionnelle et dialogique [3], je redoutais subconsciemment de me lancer dans l’exercice périlleux d’un “grand-écart épistémique” aussi acrobatique. D’autre part et surtout, c’est la dimension temporelle de ma problématique de “maturation sociale …” qui me semblait exiger un approfondissement théorique, préconscient que j’étais de la pauvreté conceptuelle des paradigmes usuels concernant le changement [4] : paradigmes consistant à analyser des choses qui se transforment ou, au mieux, des choses en devenir – mais quasiment jamais l’advenir et le devenir des choses.


La réponse à mes angoisses épistémiques ne vint pas des logiciens. Certes Robert Blanché m’avait fort impressionné avec l'”hexagone logique” de son “Essai sur l’organisation systématique des concepts” [5] mais je ne voyais pas encore très bien tout le parti à tirer de cette séduisante construction théorique des relations logiques d’opposition, sinon pour me conforter dans le choix d’une logique ternaire – faisant de l’indétermination (par exemple ni Oui ni Non, ni Vrai ni Faux), une catégorie logique à part entière et non plus simplement résiduelle.


Un nouveau paradigme s’offre à moi en guise de “réponse”,

là où je ne le cherchais pas


La réponse à mon appel vint des philosophes ou, plus précisément, de l’un de ces professeurs “touche-à-tout” que notre Université peut se flatter de reconnaître parfois, même si c’est après un long purgatoire de marginalisation, d’indifférence ou d’oubli – ou si l’audience en est réduite à quelques cénacles ou à quelques “fans” comme moi, sans grande influence institutionnelle ou médiatique. J’ai évidemment nommé Gilbert Simondon.

Plus exactement, à cause des cloisons étanches érigées entre nos disciplines, c’est à travers un article de deux psychosociologues que j’ai eu accès à ses premiers textes philosophiques : Jean Grisez et Philippe Lherbier, du CERP (Centre d’Etudes et de Recherches Psychotechniques, Paris), avaient en effet construit leur problématique de recherche (sur “les formes de vie professionnelle comme cas particulier du rapport Individu-Société” [6]) à partir de la première expression synthétique publique des nouveaux paradigmes philosophiques de Simondon, intitulée “Forme, Information et Potentiels” [7].

Ces nouveaux paradigmes, notamment la “prise de forme dans un champ métastable”, permettaient à ces chercheurs de penser les états et les processus psychosociaux dans le domaine de la vie professionnelle “ni selon la théorie déterministe ni selon une théorie du libre choix des actions” (expression empruntée à Simondon, dans son ouvrage cité en note 8, page 69). Ils ont alors conçu un schéma d’analyse en forme de Croix (là où d’autres auteurs parlent de structure “en Chiasme”), que je reproduis ci-dessous :


[Note : le contexte de ce schéma indique que les lettres P et S dans les marges du cadre signifient respectivement Individu (Personne) et Milieu (Société, “dispositifs Sociaux”)]


Telle fut, dans sa sobriété, la première image qui fit “tilt” dans ma conscience métastable encore imprégnée des schémas cybernétiques de la théorie générale de l’information, avec leurs fameux feed-backs circulaires (actions-rétroactions). Je m’empressai alors d’aller voir ce qu’il en était exactement, à la source même de cette pensée philosophique. Et ce fut pour moi un véritable enchantement, dans la mesure où j’y trouvais ces “germes structurants” susceptibles d'”informer” mon intellect “métastable”, potentiellement disposé à s’enrichir de toute proposition pertinente. Je suis encore, trente ans plus tard, sous le charme !


Ce n’est qu’en 1989 qu’on pourra ensuite accéder facilement à ce texte fondateur de Gilbert Simondon : surtitré “Concepts directeurs pour une recherche de solution [au problème de l’ontogénèse]”, il sert d’introduction à un livre posthume qui reprend pour l’essentiel la deuxième partie de sa thèse d’Etat, consacrée aux domaines psychique et collectif de l’individuation [8]. En effet, seule la première partie de sa thèse, consacrée aux domaines physique et biologique, avait été déjà publiée en 1964 [9], quelques années après sa communication “Formes, Information et Potentiels” : elle a été récemment rééditée, en 1995 [10], revue et augmentée de textes inédits et précédée d’un texte introductif de 12 pages de Jacques Garelli.


la “ philosophie transversale ” de Simondon, d’un point de vue général ….


La pensée de Gilbert Simondon s’origine dans une réflexion sur “le mode d’existence des objets techniques” [11], et procède de la même inspiration que les réflexions simultanées de Maurice Merleau-Ponty sur “le visible et l’invisible” [12], à qui d’ailleurs il dédicace son ouvrage de 1964 : même projet de questionner et de réformer radicalement les principes philosophiques et les présupposés implicites les mieux ancrés dans nos mentalités (aussi bien “savante” que “spontanée”), projet nourri d’une longue méditation historique et critique des textes philosophiques qui ont modelé nos catégories et modes de pensée occidentales de base.

Pour prévenir les plus grossiers contresens que pourraient induire ces notions centrales d’individu et d’individuation, il faut d’emblée se déprendre des usages du sens commun, qui ne sont, au mieux, qu’une des projections possibles de leurs usages abstraits, tant philosophique que mathématique. S’agissant des usages philosophiques, ils englobent certes des êtres humains individuels mais aussi toute autre réalité humaine et sociale (notamment technique), et naturelle ou matérielle, mais encore toute réalité idéelle – y compris les noumènes (concepts et paradigmes) par lesquels on désigne les “êtres empiriques” de ces différents ordres de réalité phénoménale. Il s’ensuit que l’individuation ne peut être réduite à ce qu’est l’individualisation, processus spécifique par lequel chaque être vivant se construit les schèmes distinctifs de son identité somato-psychique (cf. ouvrage cité en note 10, pages 132-143).

Selon J. Garelli, c’est comme question préalable au traitement du problème théologique de “la distinction des anges en personnes” [13] que cette notion générale d’individuation fut proposée (pour la première fois ?) mais toujours dans le cadre d’une pensée substantialiste où l’individu précède ontogénétiquement et logiquement le processus de “son” individuation. C’est par un renversement de l’ordre de ces deux termes que la problématique de G. Simondon opère une véritable révolution paradigmatique, ainsi résumée par lui-même, pages 29-30 de l’édition de 1995 :

“le devenir est une dimension de l’être, non ce qui lui advient selon une succession qui serait subie par un être primitivement donné et substantiel. L’individuation doit être saisie comme devenir de l’être, et non comme modèle de l’être qui en épuiserait la signification. L’être individué n’est pas tout l’être ni l’être premier ; au lieu de saisir l’individuation à partir de l’être individué, il faut saisir l’être individué à partir de l’individuation et l’individuation à partir de l’être préindividuel” (en italiques dans le texte).

D’où les notions centrales de charge potentielle, tensions orientées, sursaturation, déphasage, empruntées à la thermodynamique, mais aussi de résonance interne au système, de métastabilité – ni stabilité ni instabilité – et de processus de transduction – ni induction ni déduction (catégories logiques extérieures aux termes qu’elles relient), ni même traduction, mais “propagation d’une activité de proche en proche à l’intérieur d’un domaine [..fondée sur] une structuration du domaine opérée de place en place…..” (ouvrage cité en note 10, page 30).

D’où aussi l’invalidation des principes d’identité et du tiers-exclu de la logique classique, forgés dans une perspective substantialiste et identitaire (celle de l’être individué).


Ainsi donc, le paradigme philosophique du processus d’individuation me fournissait aussi des éléments de réponse à l’”appel au secours” que j’adressais initialement aux logiciens; mais je n’avais pas encore réalisé à quel point les efforts de conversion que j’allais devoir m’imposer “pour ne pas mourir idiot !”, au lieu de rencontrer de la métastabilité empathique, allaient se heurter, au sein de la “communauté scientifique” à laquelle j’appartiens, à une situation intellectuelle figée, cloisonnée en chapelles de pensée “très individuées” et très peu disposées à s’ouvrir ni les unes aux autres ni a fortiori à ces nouveaux paradigmes qui remettent tout en question – bref très peu métastables – et, pour tout dire, indifférentes quand ce n’était pas franchement antipathiques à l’égard de cette pensée !


… et sa diffusion (récente) dans les milieux scientifiques (“durs”) et techniques


Même si cela a pris du temps, ces nouveaux paradigmes ont fini par s’imposer comme crédibles et féconds dans certains milieux de sciences exactes et de technologie, comme en témoignent par exemple la faveur dont ils jouissent à l’Université de Technologie de Compiègne, notamment grâce au Professeur Bernard Stiegler, qui leur a consacré sa thèse et autour de qui se constitue une équipe de “disciples” – ou encore par la réédition de l’ouvrage de base de leur auteur (cf. supra, note 10) et par le succès d’un Colloque du Collège International de Philosophie, organisé à Paris en 1992 (à la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette), en hommage posthume à Gilbert Simondon.

Cette réédition et ce colloque répondaient en effet à une attente partagée par certains philosophes, ainsi que par des ingénieurs et des biologistes, mais hélas très peu partagée par les sociologues, psychosociologues ou autres praticiens des sciences sociales. Ainsi s’exprimait Hubert Curien, alors Ministre de la Recherche et de la Technologie, à l’ouverture de ce Colloque [14] :

“Cette pensée, si nécessaire, si féconde pour notre temps, si exemplairement actuelle, doit être tirée d’un injuste oubli”.

Quelques extraits de la brochure de présentation de ce Colloque, rédigée par Gilles Châtelet (les expressions en italique sont de Simondon lui-même), montrent bien l’ampleur des enjeux qu’on perçoit dans ces milieux :

“Gilbert Simondon a bien vu que la philosophie, pour dépasser les dualismes traditionnels : Humanisme-Technicisme, Individu-Communauté, ne devait pas accorder un privilège excessif à l’individu accompli, mais devait aborder résolument le problème de l’individuation.

“L’invention des concepts de transduction et de réalité pré-individuelle a rendu enfin possible une pensée positive de la technique en mettant l’accent sur les notions de lignée et d’agencements techniques.

“Gilbert Simondon propose ainsi une éthique de la relation entre l’homme et la machine qui ne dégrade aucun des deux termes : c’est le transductif machinique qui a permis de voir qu’ entre la communauté et l’individu isolé sur lui-même il y a la machine et cette machine est ouverte sur le monde.

“Le projet même de Gilbert Simondon impose une articulation neuve entre technique et philosophie […]”.


Mais qu’en est-il de la diffusion de ces nouveaux paradigmes

dans nos Sciences Humaines et Sociales ?


Le contraste est saisissant entre cet engouement du côté des techniques et des sciences “inhumaines, dures et exactes”, et l’indifférence du côté de nos disciplines “humaines, molles et inexactes”. D’autant plus surprenant quand on considère que Simondon fut d’abord un psychologue, qu’une partie de son vocabulaire aurait pu rencontrer quelque écho auprès des psychosociologues et des sociologues “déçus du systémisme et du structuralisme”; notamment, les notions de potentiel, de métastabilité, de transindividuel, de transduction, dont il évoque lui-même en ces termes les possibles applications aux situations de “crise pré-révolutionnaire” :

“les états pré-révolutionnaires sont le type même de l’état psychosocial à étudier” : [assimilé à un état de sursaturation,] “c’est celui où un événement est tout prêt à se produire, où une structure est toute prête à jaillir; il suffit que le germe structural apparaisse et parfois le hasard peut produire l’équivalent du germe structural….”.

Enfin, et ceci concerne tous les secteurs scientifiques, pour peu qu’on s’intéresse à sa propre épistémologie, au type de rapports qu’on entretient avec “ses objets”, le paradigme de l’individuation et de la transduction apporte un éclairage neuf sur les apories de la connaissance scientifique des êtres pensants par eux-mêmes, des sociétés humaines par elles-mêmes. En effet, n’avons-nous pas tous plus ou moins éprouvé au plus intime de nous-mêmes la justesse des propos suivants, notamment dans les moments d’allégresse où nous sommes en train de trouver, parfois un peu malgré nous, une réponse aux problèmes que le monde nous pose, que ce soit un truc sans importance, une formule d’écriture “heureuse”, “bien-venue”, ou une trouvaille géniale ?

“la transduction n’est donc pas seulement démarche de l’esprit : elle est aussi intuition, puisqu’elle est ce par quoi une structure apparaît dans un domaine de problématique comme apportant la résolution des problèmes posés. Mais, à l’inverse de la déduction, la transduction ne va pas chercher ailleurs un principe pour résoudre le problème d’un domaine : elle tire la structure résolutrice des tensions mêmes de ce domaine, comme la solution sursaturée se cristallise grâce à ses propres potentiels et selon l’espèce chimique qu’elle renferme, non par apport de quelque forme étrangère.” (Simondon, ouvrage cité en note 10, page 32).

Ainsi est évacué tout dualisme entre les actes cognitifs et les objets sur lesquels ils portent : l’objet de la recherche (mais peut-on encore parler d’ “objet” ?) et le mouvement de connaissance qui y conduit peuvent être pensés dans la même démarche transductive. Ce qui justifie et amplifie le dépassement de l’opposition stérile sujet/objet, que certains courants théoriques novateurs nous invitent déjà à pratiquer : par exemple, la théorie sociologique de la “construction sociale de la réalité” (versus une réalité donnée, extérieurement), chère à Berger et Luckman, ou la théorie linguistique de l’ “énonciation” (versus des énoncés isolés de leur contexte et processus de production), paradigme central d’un courant de recherche fondé en France par Antoine Culioli [15] et repris dans d’autres disciplines, notamment en socio-linguistique et sociologie par le regretté Pierre Achard [16] et sa revue Langage et Société ?


En ce qui me concerne, l’insistance mise sur la notion de potentiel avait attiré très tôt mon attention, par contraste, sur le défaut rédhibitoire de certains courants alors influents dans l’intelligentsia qui lui préfèrent la notion de virtuel. Citons à titre d’exemples : l’algorithme implicitement déterministe de la théorie marxiste de la baisse tendancielle du taux de profit en régime capitaliste, et son issue programmée vers le stade ultime d’une société sans classe, ou encore l’inscription en filigrane “déjà là” des structures de la société future au sein même des contradictions de la société présente, ou au contraire la théorie libérale de la compatibilité virtuelle des projets individuels ou de l’autorégulation des conflits d’intérêt en économie de marché concurrentiel.

Et je ne voyais que des avantages (tant pour l’engagement sociopolitique que pour l’élaboration théorique en sciences humaines) à méditer la formule ramassée suivante de Simondon (cf. ouvrage cité en note 10, page 169) :

l’individu est une transduction qui s’opère et non une virtualité qui s’actualise“.


Les exemples ne manquent pas dans le vaste chantier de nos sciences humaines et sociales pour illustrer et “appliquer” (transductivement, cela va de soi !) ce paradigme de l’individuation et de la transductivité. Et pourtant on s’étonne de lire, encore actuellement, des textes scientifiques qui semblent tout ignorer de ce paradigme et se disent surpris d’observer des faits qu’ils qualifient de contradictoires, paradoxaux, insolubles, etc… Je ne prendrai qu’un exemple, parmi les travaux récents de sociologues, et non des moindres, pour illustrer ce propos. Il s’agit d’un article court, publié dans une revue “grand public”, mais la plupart des écrits destinés aux pairs de l’institution n’échapperaient pas à ce constat.


Dans un dossier de la revue Sciences humaines consacré au Bonheur, Christian Baudelot et Michel Gollac [17] procèdent à la synthèse de plusieurs enquêtes sociologiques réalisées auprès de chômeur/se/s (ou de travailleur/se/s menacé/e/s de chômage) sur les traumatismes de la perte d’emploi et sur le sens et la valeur accordés au travail, et d’une grande enquête nationale réalisée récemment sur le thème des relations entre bonheur et travail. Comme leur cadre d’analyse initial se réfère à la “querelle philosophique” qui oppose, “dans un face-à-face insoluble”, une conception du travail-aliénation (salariat = esclavage) et une conception du travail-accomplissement (= facteur de progrès et de liens sociaux, source d’expression de soi) pouvaient-ils conclure (surtout au vu de résultats seulement provisoires) autrement que par un assouplissement de leurs prémisses ? :

“la contradiction est au coeur de la réalité : les deux théories cohabitent dans la tête des mêmes travailleurs, dans des proportions il est vrai diverses selon le degré de maîtrise qu’ils ont l’impression d’exercer sur leur travail. Un travail est pour les mêmes travailleurs source de bonheur et de malheur, d’exploitation et de libération”.

Certes, ce genre de formulation est en net progrès par rapport à certaines autres formulations, encore repérables aujourd’hui, chez les pratiquants du “Ou bien … Ou bien …” (Tout OU Rien, Vrai OU Faux, Blanc OU Noir), les accros de la théorie des jeux à somme toujours nulle, et les fanatiques des partitions disjonctives unidimensionnelles. Mais la problématique de recherche pourrait ici poser d’emblée le problème de l’individuation de ces configurations de rapport au travail, configurations plus ou moins métastables selon les travailleurs et les chômeurs, même si a posteriori les potentiels de transformation ne s’avèrent guère perceptibles. Et l’on peut avoir de bonnes raisons d’évoquer tel ou tel système individué, plus ou moins figé, de constructions idéologiques ou scientifiques – repérables dans la plupart des productions discursives collectives (elles-mêmes en advenir-devenir, mais selon des rythmes et des modes différents) : mais alors l’analyse sociologique portera sur les interactions réciproques, les résonances, entre ces “discours sociaux ” et les “discours individuels” [18], et pas exclusivement en termes d’écarts des seconds par rapport aux premiers, posés comme référents a priori. Dans ce nouveau contexte inversé, c’est le “figement” éventuel des attitudes, des discours, qui serait présenté comme une exception à la règle générale de la dynamique – et tout l’intérêt de la recherche serait d’approfondir la compréhension de ces processus de transduction / blocage.


On objectera avec raison que je suis “mal-venu” (dire que “je suis venu” – bien ou mal – , c’est reconnaître que je vais-et-viens, que j’adviens-deviens, autant que “je suis”) de donner ainsi des conseils, alors que je n’ai guère été capable moi-même de mettre en oeuvre cette nouvelle conception ontogénétique inversée…. Du moins n’ai-je pas été capable de mener jusqu’au stade de la publication des travaux s’y référant explicitement. Cela demande quelque explication.


Rapide bilan nostalgique de mon expérience et de mes échecs

Dans un premier temps, la fréquentation de ce paradigme m’a tout à la fois stimulé et procuré une sorte de vertige ! Prenant conscience que je ne m’embarquais pas seulement dans une entreprise de re-construction théorique locale, mais dans un projet de re-fondation de nos présupposés logico-philosophiques au plus profond de notre épistémè, j’étais convaincu que seul un travail collectif de longue haleine pouvait espérer relever ce défi. J’entrepris alors de faire partager mes nouvelles convictions, mais ce ne fut qu’une suite d’échecs, y compris auprès des collègues dont je me sens le plus proche et dont j’attendais quelques marques d’intérêt a priori envers ces possibilités offertes de dépasser apories, paradoxes et contradictions; y compris également des collectifs de travail qui se donnaient pourtant comme objectifs de recherche les rapports Individu-Société, ou Individuel-Collectif, ou autre désignation analogue de ce projet transdisciplinaire majeur qui fut précisément à l’origine des réflexions épistémologiques du psychologue Gilbert Simondon. L’objectif de ce projet, appelons-le provisoirement “une certaine psychosociologie”, ne serait ni la psychologie sociale des uns ni la microsociologie ou l’ethnométhodologie des autres ni la macrosociologie ou je ne sais quoi encore, mais une nouvelle discipline à inventer, ouverte a priori à tous les courants théoriques compatibles avec le paradigme simondonien, sans exclusive ni monopole.

Souffrant de mon isolement, j’en suis d’ailleurs parvenu parfois à douter un peu de la pertinence de ce paradigme, tout au moins au niveau de la réalité sociale et psychosociale : peut-être trop radical dans ses ambitions, ou trop prématuré pour nos états de conscience actuels, ou encore trop marqué par les domaines du physique et du biologique où il s’est épanoui ? Et puis, à quoi bon se persuader qu’on a raison si cela nous isole du reste du monde et nous oblige à radoter des monologues obsessionnels ?


Quant à l’ambitieux projet de recherche empirique [19] que j’avais entrepris, en 1964, avant ma rencontre avec ce philosophe d’un autre type, un concours de circonstances défavorables, tant humaines que matérielles, m’avait privé dès 1967 de tout soutien logistique et de toute collaboration professionnelle. Me retrouvant seul et démuni, je n’ai pas pu ou pas su mener ce projet à son terme; je n’ai pas pu commettre le “crime parfait” prémédité; je n’ai pas exploité cette occasion de mettre à l’épreuve, au moins partiellement et modestement, certains des schèmes simondoniens de construction, observation et interprétation de la réalité sociale et psychosociale, schèmes dont je n’ai fait qu’entrevoir et pressentir la fécondité heuristique.

Certes, j’ai pu faire plusieurs constatations réconfortantes, mais elles restent encore à un niveau d’abstraction peu opérationnel. Jugez-en plutôt :

– ma critique de la notion de maturité sociale, qui s’inspirait largement de la thèse de Geoges Lapassade sur l’inachèvement de l’homme [20], ainsi que ma problématique en termes de processus de maturation sociale, trouvent là des justifications métathéoriques auxquelles je n’avais même pas songé;

– mes projets d’analyse des rapports dynamiques et dialectiques entre les instances Individuelles et Collectives des pratiques sociales peuvent s’enrichir des notions d’opérations transductives, prise de forme, potentiels et métastabilité – avec recours au schéma de relations “en chiasme” plutôt qu’au classique schéma cybernétique;

– mes propositions d’articulation entre des niveaux d’analyse dits structurel et structural trouvent un certain écho dans quelques formulations du paradigme de Simondon, fussent-elles discutables (et elles le sont), telles que la “convertibilité mutuelle des structures en opérations et des opérations en structures”, dans une “théorie générale des échanges et des modifications d’états” (qu’il propose d’appeler “allagmatique”); ou encore un “schéma pluraliste d’individuations successives [s’appliquant à des] êtres polyphasés”;

– les présupposés de mon cadre d’analyse conceptuel, qui postulent une relative correspondance entre les dimensions constitutives fondamentales des personnes individuelles, d’une part, et celles des groupes, groupements, classes et sociétés, d’autre part, semblent en phase avec la reconnaissance de “problématiques (comprises ici non comme problématiques de recherche, mais comme problématiques des sujets humains et sociaux en tant qu’êtres en devenir, confrontés à leurs problèmes existentiels) propres à chaque degré d’individuation”; ou avec le principe d’ “analogie opératoire et fonctionnelle”, posé comme condition du surgissement d’une nouvelle problématique à partir de la rémanence des phases antérieures;

– enfin, la désignation d’un pôle axiologique dans mon cadre d’analyse, distinct du pôle cognitif – permettant de jouer dialectiquement sur les deux significations du mot français SENS – rejoint les interrogations de Simondon en conclusion de sa thèse, concernant le problème des valeurs dans leur rapport avec le système des normes, le problème de la responsabilité morale, et de l’éthique – définie comme “le sens de la synergie des individuations successives, de la transductivité du devenir,…”.


Inhibition liée à l’énormité des enjeux ou pari optimiste sur l’avenir ?


Il n’est pas surprenant qu’on puisse être quelque peu inhibé, intellectuellement, devant l’ampleur de telles exigences : tout d’abord, exigences d’assimilation / réappropriation de concepts et de paradigmes qui ne brillent pas tous d’une clarté évidente, puis exigences de reformulation théorique et d’invention méthodologique ? Car les propositions de Simondon concernant le domaine psychique, et plus encore le domaine psychosocial et social, constituent le talon d’Achille de sa philosophie transversale. Autant il semble assuré dans ses recours à des analyses de phénomènes physiques, physico-chimiques et biologiques, de psychologie générale et de psychologie de l’enfant, autant il ne témoigne pas des connaissances et des références minimales nécessaires pour couvrir avec pertinence les domaines de la réalité psychosociale et socio-historique, disons anthropologique pour parler synthétique.

Il ne s’en cache pas, d’ailleurs, lorsqu’il énonce dans certains passages des propositions hypothétiques qui relèvent plus de l’essai que de l’argumentation ou de la démonstration : la page 226 de l’ouvrage cité en note 8, par exemple, ne comporte pas moins de huit modalités discursives de type dubitatif “peut-être”, etc… On peut même le prendre parfois en défaut de préjugé stéréotypé à l’encontre de la sociologie, implicitement confondue avec le sociologisme – qui n’est qu’une de ses individuations particulières. On peut aussi le soupçonner de rester encore un peu sous l’influence d’un certain idéalisme, accordant un statut quasi-transcendental à la spiritualité et aux valeurs là où l’on espérerait une problématique “laïque et dialectique” – en termes de bipolarité onto-axiologique Etre-Valeur par exemple.

En ce qui me concerne, je considère cette lacune de connaissances, cette perception tronquée de la sociologie, ce penchant idéaliste, non comme des tares intrinsèques et rédhibitoires, mais comme une incitation à prolonger le chantier dans notre domaine familier (par transduction, précisément). Car il ne suffirait pas de mieux diffuser sa pensée, telle qu’elle a été exprimée : pour lui être fidèle, c’est le potentiel d’individuation transductive de ses thèses qu’il faut maintenant réaliser, individuer, à travers le domaine des transformations historiques des rapports sociaux (et non des rapports et de leurs transformations, si on a bien retenu la leçon !), pratiques et institutions sociales en réciprocité de perspective avec les processus psychosociaux.


Il me semble qu’on assiste depuis quelques années à des manifestations de métastabilité théorique et méthodologique dans la recherche sociologique [21], symptôme qui autoriserait à escompter un possible désenclavement du paradigme simondonien hors des secteurs techniques et scientifiques où il fait actuellement recette.

Encore faut-il mettre en contact cette situation potentielle et les germes structurants susceptibles de lui faire “prendre forme”.

Puisse cet article y contribuer !


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Postface ajoutée en 2007

[pour actualisation et compléments d’information, on pourra aussi consulter une autre page de mon site – consacrée à un débat récent sur “les pièges de la notion d’identité” (1997) – dans laquelle j’ai reproduit des extraits de plusieurs commentateurs éclairés de la pensée féconde (parce que révolutionnaire, et par conséquent difficile d’accès) de Gilbert Simondon, le hasard du calendrier ayant voulu qu’au moins deux journées d’étude lui ont été consacrées cette année-là.]


On trouvera dans cette postface une application du paradigme de l’ “individuation transductive” (processus ontogénétique) de Gilbert Simondon ou, plus précisément, de la structure “en Chiasme” proposée en 1964 par Jean Grisez et Philippe Lherbier, du CERP (Centre d’Etudes et de Recherches Psychotechniques) à partir de la première expression synthétique publique des nouveaux paradigmes philosophiques de Simondon, intitulée “Forme, Information et Potentiels” (cf. références bibliographiques n° 6 et 7).

Cette application consiste en un essai de conceptualisation des rapports dialectiques entre “acteurs sociaux” (que je préfère appeler “instances de pratiques sociales”), et des interactions dialectiques entre “éléments d’un système social”, essai destiné à servir de grille d’analyse théorique pour une recherche empirique menée en 1964 sur “le processus de ‘maturation sociale’ des adolescents et jeunes-adultes (13-25 ans) en milieu urbain français contemporain”.

Cette recherche, qui est évoquée au début du présent article, n’a malheureusement pas pu aboutir jusqu’au stade d’une publication – sinon sous la forme d’un rapport d’étape au commanditaire, la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique [22].

Les 360 questionnaires de notre dispositif d’observation expérimentale sont actuellement archivés, avec tous les documents attenants, au Département des Sciences de l’Éducation de l’Université Paris-VII (Saint-Denis), où ils servent aux travaux pratiques des étudiants d’un module d’Histoire (animé par Antoine Savoye, sociologue, et Mathias Gardet, historien) – en attendant, telle la Belle au Bois dormant, qu’un beau prince vienne les faire revivre en terminant l’exploitation des réponses et leur analyse sociologique et socio-historique.



Enfin, les schémas juxtaposés ci-dessous aideront à mieux comprendre l’originalité révolutionnaire de cette structure “en chiasme” inspirée de Gilbert Simondon – par rapport à d’autres schémas utilisés pour exprimer de manière plus ou moins dialectique le même genre de relations entre plusieurs éléments interdépendants, ici réduites à de simples relations duelles pour ne pas faire trop complexe.





Notes appelées dans le corps du texte

[1] si j’introduis ici subrepticement et entre guillemets quelques concepts-clés de la problématique de Simondon, sans l’esquisse d’une définition ou d’une référence, c’est avec l’espoir que leur compréhension approximative en contexte familier préparera à les lire bientôt dans le contexte abstrait du discours philosophique où ils prennent tout leur sens.

[2] JENNY (J.), “Proposition pour l’élaboration d’une conception épistémologique cohérente et pour son application à la recherche en sciences sociales”, Epistémologie Sociologique, n° 6, 2ème trimestre 1968.

Ce texte ne fut publié que 18 mois après la remise du manuscrit, soit 6 mois après le Mouvement de Mai 68 (alors que j’étais parti enseigner à l’Université de Montréal pour deux années).

[3] rien à voir avec la vulgate “DIAMAT” (DIAlectique MATérialiste, et historique) de sinistre mémoire, telle que la récitaient les staliniens et les maoïstes de l’avant-pendant-après Mai 68, mais aussi telle que toute réflexion approfondie sur la méthode dialectique en était bloquée.

[4] en tant que membre (élu) du Comité National de la Recherche Scientifique, section de Sociologie, j’ai été chargé en 1975 (comme contribution au Rapport d’Activité du CNRS) de dresser un inventaire des quelque cent opérations de recherche individuelles ou collectives de la période 1971-74 pouvant être classées sous la rubrique générale “Structures sociales et Processus de changement”. Le préambule de ce document à usage interne, de 24 pages ronéotypées, exprime ce constat de carence.

[5] BLANCHE (R.), Structures intellectuelles. Essai sur l’organisation systématique des concepts, Vrin, Paris, 1966.

[6] GRISEZ (J.) et LHERBIER (P.), “Les formes de vie professionnelle comme cas particulier du rapport Individu-Société”, Psychologie française, Octobre 1964, IX-3.

[7] SIMONDON (G.), “Forme, Information et Potentiels”, Conférence faite à la Société française de Philosophie le 27 Février 1960, publiée avec la discussion “particulièrement vivante” qui s’ensuivit, Bulletin de la Société française de Philosophie, 1960, n° 4.

[8] SIMONDON (G.), L’individuation psychique et collective à la lumière des notions de Forme, Information, Potentiel et Métastabilité, Aubier, Paris, coll. “Res – L’invention philosophique”, 1989.

[9] SIMONDON (G.), L’Individu et sa genèse physico-biologique, P.U.F., Paris, coll. “Epiméthée”, 1964.

[10] SIMONDON (G.), L’individu et sa genèse physico-biologique, Ed. Jérôme Millon, Grenoble, 1995.

[11] SIMONDON (G.), Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris, 1958 (rééd. 1989).

[12] MERLEAU-PONTY (M.), Le visible et l’invisible, Gallimard, Paris, 1964.

[13] SCOTT (D.), Le Principe d’individuation, traduction française G. Sondag. Vrin, Paris, 1992.

[14] Actes du Colloque “Gilbert Simondon. Une pensée de l’individuation et de la technique”. Bibliothèque du Collège international de philosophie, Albin Michel, Paris, 1994.

[15] parmi les textes fondateurs de ce courant, citons le génial mais quasiment introuvable :

CULIOLI (A.), FUCHS (C.) et PECHEUX (M.), “Considérations théoriques à propos du traitement formel du langage. Tentative d’application au problème des déterminants”, Publications du Centre de Linguistique quantitative de l’Université de Paris, Paris, Dunod, 1970.

[16] ACHARD (P.), “Analyse de Discours et sociologie du langage”, Langage et Société (37), 1986.

[17] BAUDELOT (C.) et GOLLAC (M.), “Le travail ne fait pas le bonheur, mais il y contribue”, Sciences humaines, n° 75, Août-Septembre 1997.

[18] s’agissant de ces formes d’interaction entre discours individuels et discours sociaux, j’aime citer quelques travaux pionniers, un peu oubliés, de mes anciennes collègues :

– GUILLAUMIN (C.), L’idéologie raciste, genèse et langage actuel, Mouton, Paris-La Haye, 1972

où il est question des processus d’autocensure intrapsychique qui filtrent et structurent l’énonciation des sujets de conversation / communication sensibles, controversés : bel exemple de l’individuation des énoncés, qui ne sont pas pure ex-pression de représentations-opinions déjà là.

– HUGUET (M.), Les femmes dans les grands ensembles d’habitation. De la représentation à la mise en scène, éds. CNRS, Paris, 1971

où il est question de structures de sollicitation de l’environnement social, avec ses thèmes de discours et ses formules en”prêt-à-porter” (comme le syndrome de la “sarcellite”, qui semble avoir causé autant de dégâts psychologiques que l’urbanisme technocratique lui-même).

[19] projet brièvement décrit dans la section du présent article intitulée “le contexte des premières rencontres”.

[20] LAPASSADE (G.), L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme, éds. de Minuit, Paris, 1963.

[21] Ne pouvant développer ici cette représentation optimiste, je renvoie principalement à :

CORCUFF (P.), Les nouvelles sociologies, Nathan, Paris, coll. “Nathan-Université”, 1995.

[22] Jenny (J). Le processus de maturation sociale de l’adolescence à l’âge adulte en milieu urbain contemporain.

Rapport de convention de recherche pour la D.G.R.S.T., Paris, 31 décembre 1965.

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